Un parcours un talent, coup de pouce pour entreprendre
Ouvrir un restaurant boucherie, travailler dans le secteur de la tuyauterie industrielle ou encore créer sa propre marque de mode : pas de doute, les jeunes en formation ou les moins jeunes en reconversion/réinsertion qui se sont vus attribuer le prix d’excellence de la section Manche, lors de la première édition, le 4 juillet 2022, savent bien ce qu’ils veulent !
Sylviane Thomas Dumanoir, ancienne inspectrice de l’Éducation nationale et déléguée éducation formation SMLH de la Manche
« Nous avons quelques candidats en reconversion mais la majorité a entre 17 et 21 ans et est en formation initiale, explique Sylviane Thomas Dumanoir, déléguée éducation formation SMLH de la Manche. Les parcours sont souvent atypiques, à l’image de la génération actuelle ! » Une candidate, par exemple, est arrivée dans le nucléaire après la restauration et le maraichage...Tous les chemins mènent à Rome, dit-on ! Et c’est tant mieux, d’autant plus, souligne encore Sylviane, que « ces jeunes n’ont plus du tout la même relation au travail. Au salaire, ils privilégient le bien-être. Il faut s’adapter... C’est donc important de les accompagner dans la formation sous statut scolaire ou par apprentissage. Une étape apportant une certaine maturité, avant la vie professionnelle, plus concrète, qui peut donner un sens au travail. Ceux qui veulent vraiment s’investir doivent être soutenus ! » D’où l’idée d’attribuer, outre le prix d’excellence – pour un travail d’une grande valeur et un parcours abouti – deux autres prix. Celui d’encouragement récompense un candidat ayant du potentiel, de la détermination et de la volonté, et le « coup de cœur », un parcours particulièrement prometteur.
Un prix mais aussi un parrainage
Le concours « Un parcours – un talent » a été lancé en octobre 2021 par la section de la Manche, grâce en particulier à Sylviane. Cette ancienne inspectrice de l’Éducation nationale, vice-présidente de l’Association française de l’enseignement technique, dispose d’un réseau qui a facilité la présentation du projet auprès des divers lycées professionnels, CFA et centres de formation des adultes.
Avec le président, Michel Moïse-Mijon, elle a aussi rencontré interlocuteurs officiels, et surtout professionnels, dans les trois secteurs choisis pour l’année 2021-2022 : le secrétaire général de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie de la Manche, un professionnel de la mode (des Tricots Saint-James), le président de la chambre des métiers et de l'artisanat.
Pour la session 2022-2023, la secrétaire générale et la vice-présidente de la Fédération française du bâtiment de la Manche ont été approchées. « Nous faisons attention à élargir à plusieurs métiers dans chaque secteur professionnel concerné, ce qui tient compte de la réalité locale. Dans notre département, dont le taux de chômage est l’un des plus faibles de France, pratiquement tous les métiers sont en tension ! Pour 2023-2024, notre prix concernera également les secteurs des métiers de la mer et de la propreté ».
Outre le diplôme et la médaille de la SMLH, chaque candidat sélectionné se voit remettre un chèque et une lettre d’appui pour soutenir sa recherche d’emploi ou la poursuite de sa formation. Enfin, il bénéficie, dans la mesure du possible, d’un parrainage d’un an, renouvelable si besoin, par un(e) sociétaire. « Notre vice-présidente est ainsi la marraine de Margaux Mesnil, la jeune fille prix d’excellence du secteur mode qui, après son BTS métiers de la mode à Cherbourg, voulait intégrer l’Institut français de la mode à Paris. Elle l’a aidée à demander une aide à la SMLH nationale, notamment pour pouvoir se loger : un appui important pour cette étudiante dont la mère est veuve ».
Un réel atout pour s’installer
Pour un autre, le prix de la SMLH a été un réel atout pour s’installer. Ainsi en a-t-il été pour Julien Castel, 32 ans, prix « coup de cœur » 2022, récent repreneur d’une boucherie : « J’ai connu le prix grâce à l’Institut de formation de la chambre des métiers et de l’artisanat. J’ai immédiatement été intéressé. Le « label » est prestigieux et il a clairement fait partie des éléments qui ont permis à ma demande de crédits d’être acceptée par la banque ».
Un effet levier pour compenser un itinéraire préalablement plutôt sinueux ? Julien, après une école supérieure de commerce était en effet entré dans la vie professionnelle par la grande distribution puis une entreprise informatique. Mais un parcours finalement simple, selon Julien, guidé par une passion partagée avec Anita, sa femme : « J’ai toujours eu des idées et l’envie d’avoir mon entreprise. Après avoir géré sept supermarchés et intégré ensuite une société informatique, je me suis demandé ce qui m’intéressait vraiment ? Or, je viens d’une famille d’agriculteurs. Dans mon enfance, on faisait de la charcuterie maison et on aimait la cuisine : ça m’a façonné... Et puis, nous habitions à l’époque à Londres, où il était difficile de trouver des produits de bonne qualité. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire... » Julien rentre alors en Normandie et entame une formation continue en CAP boucher au CFA de la chambre des métiers et de l’artisanat, à Coutances, et Anita, un CAP charcutier-traiteur. Tout s’est ensuite enchaîné très vite : « on pensait travailler deux ou trois ans avant d’avoir notre fonds mais nous avons eu l’opportunité de racheter la boucherie Michel Wach, en Alsace... qui appartenait depuis cinq générations à la même famille ! Un petit plus sympathique... »
Quelques mois plus tard, Julien est toujours aussi enthousiaste. Ce métier traditionnel et affaire de goût, qui implique une grande proximité avec les clients, permet, selon lui, de « s’épanouir à tous les niveaux » : il met en exergue les valeurs liées au terroir, le travail du monde agricole, apporte sa pierre de touche au combat écologique pour consommer moins de viande, mais de qualité. Sans compter que les emplois dans ce secteur ne sont pas délocalisables et « qu’on peut se perfectionner jusqu’à la retraite ! Vous savez, on dit toujours que c’est un emploi peu qualifié. Mais on ne devient pas un bon boucher avec seulement son CAP ! Il faut vraiment du savoir-faire, tout artisan doit devenir un artiste dans sa partie. Ce métier – comme d’autres d’ailleurs – n’est pas suffisamment valorisé, même si le regard de la société change », se réjouit-il. « Il faut en parler aux jeunes, je trouve que c’est une belle alternative à la « morosité » du marché du travail en France.
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